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Semaine de 4 jours : ce que toute PME devrait tester avant de promettre l’impossible

23 juil. 2025

Promettre la semaine de 4 jours, c’est séduisant.

Les chiffres donnent envie : –30 % de stress, –71 % de burnout, +40 % de chiffre d’affaires chez LDLC, selon les pilotes menés au Royaume-Uni ou en France.

Pas étonnant que le modèle circule dans les comités stratégiques… et dans les pages carrières.

Mais chez TheGoodFit, nous préférons aux modes les décisions solides.

La semaine de 4 jours n’est ni un mythe ni une panacée : c’est un levier exigeant.

Et comme tout levier, il ne donne des résultats que s’il est manié avec discernement — et ancré dans la réalité de terrain.

« Le courage managérial, c’est accepter de dire : “pas pour nous… pour l’instant” — quand l’organisation ne peut pas suivre. »

Caroline, fondatrice de The Good Fit

Pourquoi la semaine de 4 jours séduit autant (et si vite)

La promesse est alléchante.

Dans un marché de l’emploi sous tension, la semaine de 4 jours devient un levier d’attractivité : elle incarne l’équilibre, la confiance, et l’envie de sortir d’une logique de présence.

Pour les équipes en place, elle évoque un gain de sens ; pour les candidats, un signe d’innovation sociale.

Des entreprises comme LDLC, groupe français de e-commerce, ont popularisé le modèle : depuis 2021, ses collaborateurs (hors logistique) travaillent 4 jours sans baisse de salaire.

Résultat ? Une hausse notable de candidatures spontanées, une baisse de l’absentéisme, et un gain en engagement collectif.

Côté international, le programme pilote britannique de 4 Day Week Global revendique 92 % de taux de satisfaction à l’issue de l’expérimentation.

Bref, le récit est séduisant.

Mais la réalité opérationnelle est bien plus contrastée.

Ce que les études oublient souvent de dire

Derrière ces chiffres prometteurs se cachent des biais de sélection majeurs.

L’étude britannique souvent citée, menée avec Cambridge University et Boston College, concernait 61 entreprises issues principalement de la tech, du conseil, du marketing et des services financiers.

Des structures déjà culturellement prêtes à fonctionner en télétravail, à piloter par objectifs, et à adapter rapidement leurs flux.

Le cas de LDLC lui-même s’appuie sur des pré requis solides : marge financière, métiers digitalisés, réorganisation managériale.

Quant au fameux test de Microsoft Japon (+40 % de productivité), il a duré quatre semaines… sur la période estivale.

Même les initiateurs du modèle le disent : sans refonte des indicateurs, de la culture managériale, et des méthodes de collaboration, le passage à 4 jours peut devenir un piège plutôt qu’un progrès.

Les limites concrètes pour les PME (surtout en région)

Une PME industrielle en PACA ne peut pas simplement « copier » un modèle pensé pour les startups londoniennes. Les rythmes de production, la présence physique, les astreintes techniques, les attentes clients… tout change la donne.

Chez The Good Fit, nous avons vu plusieurs cas où l’envie était là — mais les conditions pas encore réunies. Passer à 4 jours suppose de cartographier les flux de valeur, d’identifier les zones critiques, de repenser les horaires d’équipe. Et surtout, de former les managers à piloter par objectifs, pas par visibilité.

Le plus gros piège ? Annoncer « 4 jours »… sans dire lequel des deux modèles on choisit.

  • Compression : 35 ou 39 heures concentrées sur 4 jours → des pointes à 9-10 h quotidiennes. On déplace la fatigue au lieu de la réduire.

  • Réduction “100-80-100” : 32 heures (80 % du temps) payées 100 %, avec objectif de maintenir 100 % de productivité. C’est ce modèle qui a montré les gains de bien-être et de performance.

Choisir le premier sans préparation, c’est promettre un mieux-être… et risquer un épuisement accéléré. Choisir le second exige de repenser flux, indicateurs et priorités pour dégager les 20 % d’heures supprimées.

Ce qu’un vrai test de 4 jours doit inclure pour être utile

Si la semaine de 4 jours peut fonctionner, elle ne s’improvise pas.

Premier filtre : la faisabilité opérationnelle et sociale.

  • Industrie ou logistique ? Machines et astreintes imposent des plages incompressibles.

  • Équipes avec forte charge client ? Il faut maintenir la continuité de service.

  • Contraintes familiales (parents, horaires d’école) ? Des journées de 9 h-10 h sont parfois utopiques.

Une fois ce périmètre validé, un test solide repose sur trois piliers :

  1. Équité – règles claires et partageables : même information pour tous, gestion transparente des exceptions (temps partiel, postes critiques).

  2. Clarté des attentes – objectifs et indicateurs précis : productivité cible, qualité, absentéisme, turnover, satisfaction collaborateurs/clients. Sans cap mesurable, impossible de juger si le modèle tient ses promesses.

  3. Droit à l’échec collectif – une clause de retour arrière formalisée dès le départ. Si la charge devient intenable ou si les indicateurs dérapent, l’organisation revient au modèle précédent sans stigmatisation.

Ce cadre permet de transformer une expérimentation RH en véritable apprentissage stratégique, au lieu d’ajouter une contrainte de plus dans l’agenda déjà serré de vos équipes.

Le plan d’action : un pilote de 6 mois avec droit de retrait

Chez The Good Fit, nous recommandons un format clair et limité :

un pilote de 6 mois, co-construit avec les équipes, autour d’objectifs partagés.

Voici les 3 étapes que nous mettons en œuvre :

  1. Cartographie des flux de valeur et des contraintes par métier

  2. Co-construction des nouvelles règles du jeu avec les managers et les équipes

  3. Indicateurs partagés + droit de retrait collectif à la fin du pilote

Cette méthode permet à l’entreprise de tester… sans se piéger.

Et surtout, de faire un choix stratégique fondé sur des faits, pas sur une mode.

La semaine de 4 jours n’est pas une fin en soi.

C’est un révélateur. De vos flux, de vos pratiques, de votre capacité à collaborer autrement.

Avant de l’annoncer comme un totem RH, testez-la comme un outil de pilotage.

Et surtout, faites parler les faits avant les promesses.

Un test bien mené, c’est un apprentissage collectif.

Un test mal préparé, c’est un malentendu durable.